Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
/ / /

barrage.JPG« Le XXIe siècle appartiendra à la Turquie », déclarait le président Turgut Ozal en juillet 1992 lors de la mise en eau du barrage Atatürk sur le fleuve Euphrate. « L'eau sera la ressource la plus importante au Proche-Orient dans les décennies à venir, et nous sommes les plus riches propriétaires de cette ressource dans la région. Ces fleuves sont là depuis des millions d'années. Nous voulons les utiliser pour apporter leurs bienfaits aux enfants de ce pays », renchérissait Karman Inan, le ministre de l'Intérieur.

 

En traversant les frontières nationales, l’eau entraîne les Etats riverains dans une situation d’interdépendance. Multidimensionnelle, cette problématique suscite de fortes répercussions sur le plan international et régional, que ce soit par les rumeurs de guerre, l’exacerbation des rapports de force, la consolidation ou la fragilisation des alliances.

De l’allocation arbitraire des eaux découle un enjeu stratégique et sécuritaire pour les pays concernés et ce, par rapport à une ressource qui ne respecte ni frontières politiques, ni délimitations classiques de sécurité nationale.

 Pays les plus dépendants d’une eau d’origine allogène :

Turkménistan : 98 % - Egypte : 97 % - Hongrie : 95 % - Mauritanie : 95 %

Bostwana : 94 % - Ouzbékistan : 91 % - Bulgarie : 91 % - Pays Bas : 89 %

Cambodge : 82 % - Syrie : 79 % - Soudan : 77% - Niger : 68 % -Irak : 66 %

 Quelque 30 conflits liés à l’approvisionnement en eau et au « stress hydrique » :

Golan et Jourdain (Israël et Syrie)

Euphrate et barrage Atatürk (Turquie et Syrie)

Nil (Soudan, Ethiopie et Egypte)

Indus (Inde et Pakistan) – résolu en 1960

Gange (Inde, Bangladesh et Népal)

Amou Daria et Syr Daria (Russie et Turkménistan)

 (source Water in Crisis, 1993)

ENTRE LE TIGRE ET L’EUPHRATE

 arton183.JPGL’histoire des régions parcourues par l’Euphrate et le Tigre a été marquée par la présence de ces deux grands fleuves. Le Tigre et l’Euphrate, source de développement et d’espoir.

Grâce à ces deux fleuves, qui traversent la Turquie, la Syrie et l’Irak, la Mésopotamie a pu développer l’agriculture et l’irrigation. De ce fait, de grandes civilisations ont vu le jour : Sumer, Mari et Babylone.

 Les fleuves du Tigre et de l’Euphrate naissent tous deux dans les montagnes de la Turquie orientale. L’Euphrate pénètre en Syrie au point de Karkemish, en aval de la ville turque de Birecik. Rejoint par ses affluents principaux, le Balikh et le Khabour en Syrie, il dévale vers le sud-est avant d’entrer en territoire irakien où il atteint Ramadi, après 350 km, et pénètre le delta du Tigre et de l’Euphrate, composé par le Tigre, l’Euphrate et le Karoun (la plus longue rivière d’Iran), dans une zone alluviale aux sols très riches. Ensuite, le fleuve se termine en une dernière section faite de marais et lacs salins. Le Tigre coule en Turquie jusqu’à la ville frontalière de Cizre, pour former une frontière de 39 km entre la Turquie et la Syrie. Il forme la frontière entre la Syrie et l’Irak (5 km). Finalement, l’Euphrate et le Tigre se rejoignent à Qurna, en Irak. Les fleuves sont rejoints par le Karoun pour former le Chatt-al-Arab qui dessine la frontière entre l’Irak et l’Iran et se déverse dans le Golfe persique.

Dispute autour du Tigre et de l'Euphrate

De par sa volonté d'achever l'aménagement du Tigre et de l'Euphrate, la Turquie se trouve en désaccord avec ses voisins syrien et irakien qui voient dans ses travaux un grand risque pour leurs ressources en eau.

Bassin Tigre EuphrateL’Euphrate est une des premières lignes de front de la guerre de l’eau qui s’annonce au niveau international. Il prend sa source en Turquie dans une région montagneuse où l’eau abonde, traverse la Syrie et finit son périple en Irak. Neuf grands barrages entravent déjà les 2 780 km de son cours.

 

Syrie

L_eau_en_Syrie.jpgL’Euphrate coule sur 680km en Syrie. Lorsqu’il atteint le pied de la forteresse antique de Doura-Europos, son débit est déjà très amoindri par les pompages turcs qui se font en amont. Son niveau a tellement baissé ces dernières années que, par endroits, on peut le franchir à gué. En Syrie, les affluents de L’Euphrate sont à sec, poussant les populations à quitter la région. La Syrie, pour qui l'Euphrate est un fleuve international, demande le respect des droits acquis et l'interdiction de tout aménagement qui modifierait le débit sans l'accord de l'ensemble des Etats riverains, position identique à celle de l'Irak. Par contre, elle en diffère en soutenant l'unicité du bassin versant des deux fleuves. En clair, elle propose que le partage des eaux de l'Euphrate ne s'opère qu'entre la Syrie et la Turquie et que l'Irak se satisfasse d'une exploitation quasi exclusive des eaux du Tigre. D’autre part, la Syrie a, elle aussi, mené une politique de construction de nombreux projets afin d’utiliser l’eau, notamment l’Euphrate, d’une manière optimale. Il existe une vingtaine de barrages dont la moyenne de capacité de retenue se situe entre 15 et 16 millions de mètres cubes. Le plus important barrage est celui de Tabqa7, construit en 1975. Selon les autorités syriennes : « Tout comme l’Egypte est un cadeau du Nil, la Syrie est, et même plus encore après la construction sur l’Euphrate du Grand Barrage, un cadeau de l’Euphrate ». Il est donc devenu le symbole du développement national. Il possède une capacité de retenue de 12 milliards de mètres cubes. L’objectif est l’irrigation de 640 000 hectares de terres. Il n’en demeure pas moins que ces deux pays Irak – Syrie ont été sur le point de se faire la guerre, en 1975, à propos du partage de l’eau du fleuve et la mise en eau du barrage de Tabqa.

Irak

Lorsqu’il atteint l’Irak, L’Euphrate n’a plus aucune commune mesure avec le majestueux fleuve turc. Le Khabur était naguère le principal affluent de l’Euphrate. Sa source est en Syrie, mais sa nappe phréatique est en Turquie. Les pénuries d’eau permanentes auxquelles sont exposés les Irakiens font que des milliers de paysans dépendent de la tournée des camions-citernes. L’Irak estime que les deux fleuves sont internationaux et demande le respect des droits acquis. Cette position sous-entend le respect de la consommation antérieure de chacun des Etats riverains et le partage équitable des ressources supplémentaires obtenues par des aménagements ultérieurs. L'Irak souhaite aussi que soit reconnue l'indépendance des bassins versants et s'oppose à la position turque, mais aussi syrienne, qui considère que le Tigre et l'Euphrate constituent deux branches d'un même bassin hydrographique. En optant pour l'unicité du bassin, la Turquie et la Syrie proposent que l'Irak prenne sa part de ressources sur le Tigre, difficilement aménageable dans sa partie amont, laissant ainsi à la Turquie et à la Syrie le bénéfice exclusif des eaux de l'Euphrate. Pour l'Irak, au contraire, les deux fleuves doivent être considérés séparément et un partage équitable de leurs eaux doit être envisagé entre les trois Etats.

Turquie

La Turquie dispose de plus de 500 barrages. Plus de 300 d'entre eux ont été construits sous le titre des « petits barrages » du programme d'investissement de la Turquie. Toutefois, tous sont assez grands pour être considérés comme barrages d'après les critères du commission internationale des grands barrages.

ggn4.jpgLE PROJET TURC DU GAP : Dès 1980, la Turquie entreprend de développer son potentiel agricole et de devenir le grenier à blé du Moyen-Orient.

Le Great Anatolian Project ou Guneydogu Anadolu Projesi « Projet d'Anatolie du Sud-est « (GAP) comprend un projet de développement des ressources hydrauliques, réparti entre deux sections (Euphrate et Tigre).

 Les vingt-deux barrages et dix-neuf centrales électriques auront pour objectif (objectif 2010 et reporter à 2050) d’irriguer 1 693 027 million ha répartis sur la plaine du Harran, à partir des eaux de l’Euphrate et du Tigre, et de produire 27 milliards de kWh, soit la moitié de l’électricité actuellement produite par le pays, et ce, dans le cadre d’une capacité installée de 7,500 MW.

La région du GAP correspond à 19% de la zone irrigable du pays (8,5 millions d’hectares) et le projet vise à produire, annuellement, 22% du potentiel hydro-électrique du pays. Les secteurs de développement visés sont, non seulement l’agriculture irriguée, mais aussi le développement socio-économique par les transports, l’amélioration des opportunités D’emploi non-agricoles, de l’éducation et des services sanitaires.

Le barrage Atatürk, sixième plus grand barrage du monde, est le premier du GAP réalisé en Turquie. En janvier 1990, sans que leurs voisins n’aient été avertis, le cours de l’Euphrate a été entièrement détourné, pendant un mois, afin de remplir le réservoir du barrage Atatürk. Les conséquences furent désastreuses pour les agricultures irakienne et syrienne. Le barrage Atatürk représente 49 milliards de mètres cubes d’eau de retenue. 

euphrate Page 01Sur l'Euphrate, le barrage de Keban, le plus en amont, dont la retenue est de 30 milliards de m3 est terminé depuis 1974. Le projet global, en aval de Keban, est beaucoup plus ambitieux. Cette gigantesque opération hydraulique se décompose en 13 sous-projets : 7 sur l'Euphrate et ses affluents, 6 dans le bassin du Tigre. L'eau ainsi mobilisée doit allier production d'énergie et irrigation. Sur une superficie cultivée de 3 millions d'hectares, 1,7 sera irrigué et consommera 22 milliards de m3 d'eau par an. A partir de la retenue Atatürk, le tunnel hydraulique le plus long du monde doit permettre l'écoulement de 328 m3/s et l'irrigation de la plaine d'Urfa-Harran. Les conséquences ne sont pas moindres pour la Syrie et l’Irak. En Syrie, le débit de l’Euphrate sera réduit de 11 milliards de mètres cubes et celui du Tigre de 6 milliards. L’Irak perdra certainement 80 % des eaux de l’Euphrate. Le reste sera fortement pollué en raison de l’irrigation et de la salinisation des sols.

La Turquie soutient que les deux fleuves constituent un seul bassin et sont transfrontaliers et non internationaux. Un tel statut permettrait à la Turquie de gérer à sa guise les ressources disponibles des deux fleuves sans prendre en considération les demandes et les besoins de ses voisins. La Turquie accepte pourtant de ne pas porter atteinte aux droits acquis antérieurs aux nouveaux projets hydrauliques. Pour l'avenir, sa position est nette : accepter de coopérer pour la gestion des eaux des fleuves, à condition de se limiter à des projets précis. Mais elle n'est pas prête d'accéder à la demande de ses voisins d'un accord multilatéral sur des quotas de répartition, ce qui contribue à entretenir la tension dans la région. La Turquie soutient que les déficits en eau en aval sont liés à une mauvaise gestion et ne relèvent pas du domaine juridique. Les pays en aval doivent mettre en œuvre des techniques plus économes en eau. Elle soutient que l'accord de 1987 sur les quantités allouées à la Syrie est définitif et rejette les demandes de ses voisins pour une augmentation des quotas.

geoeau_041.jpgLes positions sont fermes et personne n'est en mesure de dire à qui appartient l'eau. En tous les cas, le droit international semble impuissant. Le « eux ont le pétrole, nous l'eau » des Turcs n'est pas accepté par les voisins. De plus en plus, la Turquie se veut le centre géopolitique d'une région en train d'émerger.

On comprend alors l'opposition de la Syrie et de l'Irak, qui risquent une perte hydrique considérable, une avancée de la désertification, et des révoltes, à l'image de celle des habitants à majorité chi'ite des marais irakiens entrés en rébellion contre Saddam Hussein lors de l'assèchement de leurs terres au profit des régions sunnites.

La coopération comme solution

 Afin d’éviter tout conflit ou d’accroître la potentialité de ceux-ci, de nombreux textes ont été élaborés, au niveau international, afin de favoriser la coopération entre les Etats : la convention de Genève (1923) ; les règles d’Helsinki (1966) ; la résolution 2669/XXV du 8 décembre 1970 votée par l’Assemblée générale des Nations Unies ; la déclaration de Mar del Plata (en Argentine en 1977).

Mais le plus important des textes est la Convention des Nations Unies sur le droit relatif aux utilisations des cours d'eau internationaux à des fins autres que la navigation de New York, établi en 1997.

 Ce dernier représente un instrument international axé précisément sur les ressources communes en eau. Deux principes clés définissent la conduite que doivent adopter les nations en ce qui concerne les cours d'eau communs : «une utilisation équitable et raisonnable » et « l'obligation de ne pas causer de dommages significatifs » aux pays voisins.

Alors que 35 ratifications sont nécessaires pour l’entrée en vigueur du texte, seuls 16 pays ont, pour l’instant, ratifié la Convention. 

 Le Protocole de Sécurité signé en 1987 entre la Turquie et la Syrie ou a été discuté le processus de marchandage avec la puissance en amont sur la question du partage des eaux de l’Euphrate et du Tigre. Elle aura permis une entente sur la question de l’Euphrate, comme clause intégrée. Or pour la première fois, En 1987, la Turquie a accepté de garantir un débit minimal de 500 m3 par seconde de l'Euphrate. L'Irak et la Syrie ont eu modérément confiance et, en 1989, ils ont conclu un accord prévoyant que 58 % du volume des eaux traversant leurs frontières irait à l'Irak, et 42 % à la Syrie. Cette dernière est très vulnérable : 80 % de ses ressources en eau proviennent de l'extérieur, et elle vient de subir plusieurs années d'une grave sécheresse. Cela explique la complexité pour trouver un accord tripartite. Mais ceci ne clôt pas le débat, puisque 700 m³ sont réclamés. Ces mesures, selon Bagdad, devraient contribuer au fonctionnement des centrales électriques et des projets d’irrigation irakiens. Depuis un certain temps, le débit de l’Euphrate n’était plus que de 230 m3/seconde à son entrée en Irak contre 950 m3/s il y a une dizaine d’années.

 La coopération entre les trois pays a également été discutée lors du 5ème Forum Mondial de l’eau. Lors de cette rencontre, il a été décidé de poursuivre plus en avant la coopération notamment par l’étude du plan turc. Ce dernier pose 3 conditions à la réflexion et donc à la coopération : combien de terres sont concernées ? Quelle est la disponibilité quantitative de la ressource ? Quelle quantité d’eau est nécessaire ?

Malgré l’absence d’un accord global et tripartite, « dixit : Aujourd'hui, les choses vont mieux et le dialogue avance », avait constaté Loïc Fauchon, le président du Conseil mondial de l'eau et organisateur du forum d'Istanbul.

SEACO

liens :

http://www.memoireonline.com/10/09/2856/La-gestion-de-leau-et-son-impact-sur-le-droit-international.html

http://www.scienceshumaines.com/dispute-autour-du-tigre-et-de-l-euphrate_fr_13873.html

http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_2008/lasserre/article.html

http://www.mrap.fr/differences/differences2005/differences254/dossier013

http://www.strategicsinternational.com/

http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/04/23/le-partage-de-l-eau-au-proche-orient-est-plus-que-jamais-un-enjeu-de-pouvoir_1341650_3244.html

http://www.infoguerre.fr/matrices-strategiques/turquie-syrie-et-irak-la-guerre-de-eau-aura-t-elle-lieu/

http://blog.mondediplo.net/-Visions-cartographiques-

http://www.diploweb.com/

http://fr.wikipedia.org/wiki/Turquie

http://www.erudit.org/revue/ei/2006/v37/n3/014257ar.html

******


Partager cette page
Repost0